Constellations de sens. Représentations du changement et de la stabilité dans le Maroc céréalier contemporain. / B. FERLAINO
Résumé de la thèse
A partir de l’observation de la politique agricole marocaine actuelle – le Plan Maroc Vert (PMV) – et de sa filière céréalière, ce travail analyse les stratégies pour gouverner le changement social et la stabilité politique. La thèse principale est que toute politique de changement porte en elle un projet de stabilité, et que la relation entre ces deux paradigmes d’action est socialement construite à travers des représentations – spatiales, politiques, sociales – qui constituent des « constellations de sens ». Ces dernières remplissent de contenu les termes vagues et abstraits de « changement » et de « stabilité » et orientent les choix politiques concrets, les priorités et les valeurs des acteurs sociaux. Elles sont historiquement construites et orientent la compréhension commune des éléments qui forment le sens de l’agir social. Cette construction analytique s’appuie sur des terrains menés au Maroc depuis 2015 (partagé entre mémoire de Master et recherche de thèse). À partir d’entretiens avec des témoins privilégiés et de la participation à des réunions et événements, j’ai exploré la manière dont le PMV a été conçu, mis en œuvre et transformé au fil du temps ainsi que ses significations politiques et sociales et les représentations sur lesquelles elles se basent. Je l’ai plus particulièrement fait en observant la façon dont la filière céréalière est gouvernée et construite au quotidien et la signification qu’on lui donne aussi bien politiquement que socialement. Je m’inscris pour ce faire dans une double tradition disciplinaire : la sociologie historique du politique a structuré mon raisonnement en mettant en son centre la compréhension des phénomènes sociaux dans leur profondeur historique et la construction d’une élaboration intellectuelle qui lie théorie et empirie ; la géographie historique et politique a contribué à orienter mon intérêt pour les représentations sociales et la manière dont elles s’enracinent dans l’histoire des territoires et influencent les processus de décision. La thèse est divisée en trois parties. Le Préambule présente les principaux personnages de la recherche – le Maroc agricole, ses céréales, la représentation, le changement social et la stabilité politique – en expliquant comment ceux-ci sont appréhendés dans la recherche. Il met ensuite en relation ces « personnages » afin d’élaborer les questions qui guident le travail. La Première partie se concentre sur le concept de changement, ses formes politiques, ses représentations et leurs trajectoires historiques, en montrant comment il comprend toujours des éléments de stabilité. Il analyse le projet de changement social proposé par le PMV, le design politique qu’il propose, et la stratégie d’action pour le construire. Il met en évidence la trajectoire historique des représentations auxquelles il se réfère. Enfin, il montre la polysémie au sein du discours actuel apparemment unifié, en démontrant comment les héritages interprétatifs historiques des symboles conduisent à la coexistence de diverses significations, priorités et actions. Cette première partie montre comment les projets de changement, jamais monolithiques ni statiques, se réfèrent aux idées de stabilité en constante évolution, avec lesquelles ils partagent des symboles historiquement construits qui prennent des significations différentes selon les interprétations contingentes. La Seconde partie met l’accent sur la chaîne d’approvisionnement en céréales et les projets de stabilité qu’y sont associés. En commençant par une reconstruction de la configuration rencontrée du « gouvernement des céréales », cette partie explore sa trajectoire historique et montre comment les projets de stabilité sont liés à des interprétations dynamiques d’actions et de représentations historiquement situées.
Informations pratiques
Lundi 7 novembre 2022
> 14h30
Université de Florence –UNIFI
Composition du jury
Élsa Bignante, professeure des universités, Université de Turin
Juliet J. Fall, professeure des universités, Université de Genève
Marco Santangelo, professeur des universités, Université de Turin
Mohamed Tozy, professeur à l’Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence
Marco Bontempi, professeure des université Université de Florence –UNIFI, co-directeur de thèse
Béatrice Hibou, directrice de recherche, directrice de thèse
Matteo Puttilli, professeure des université Université de Florence –UNIFI, co-directeur de thèse