« De Kiev à Minsk, la fin du rêve européen » sur France Culture, avec Ioulia Shukan

Le mouvement bélarusse, qui bat son plein, mais également le choc politique de l’EuroMaidan ukrainien, toujours influent, nous poussent à nous demander ce qu’il reste du rêve européen pour ces pays qui aspirent à plus de démocratie. L’Europe incarne-t-elle encore, à l’Est, la liberté des peuples ?

Une discussion en compagnie de Olga Gille-Belova, maîtresse de Conférences au Département d’Etudes Slaves de l’Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, et Ioulia Shukan, spécialiste de l’Ukraine, maîtresse de conférences en études slaves à l’Université Paris Nanterre et chercheuse à l’Institut des Sciences sociales du Politique.

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Depuis la mi-août, les Bélarusses ont pris la rue pour contester la réélection, jugée frauduleuse, d’Alexandre Loukachenko. Si son pouvoir avait déjà été contesté (notamment en 2005, lors de la “Révolution en jean”, soutenue par les Etats-Unis), c’est la première fois que le mouvement prend autant d’ampleur, et rallie toutes les couches de la société.

Si Loukachenko accuse les opposants d’êtres aux mains d’agents étrangers, (dans les premiers temps de la Russie, puis de l’Europe et plus largement de l’Occident), il semble que la contestation bélarusse ai sciemment choisi de s’extraire de toute dimension géopolitique : “le plus important, c’est la démocratie et la souveraineté du Bélarus, pas la Russie ou l’Europe” assène la figure de l’opposition, Svetlana Tikhanovskaia.

En refusant d’ancrer cette révolution dans un cadre géopolitique, globalement entre l’Europe et la Russie, le mouvement bélarusse se démarque des contestations que l’on observait dans la région. On se souvient que lors des manifestations du Maïdan en Ukraine en 2014, des drapeaux flottaient au-dessus de la foule, et que le mouvement avait éclaté après cette volte-face du gouvernement ukrainien du président Ianoukovitch qui avait décidé de ne pas signer un accord d’association avec l’UE, préférant se tourner vers Moscou pour signer un autre accord.

L’occupation de l’emblématique place Maidan à Kiev aboutit à la mort de 120 personnes pendant les manifestations, mais aussi à la destitution de Ianoukovitch. Peu de temps après, comme un tour de vis face à la tentative de rapprochement, la Russie annexe la Crimée.

Si depuis, l’orientation pro-européenne de la politique ukrainienne est une constante, on peut tout de même noter que le rapprochement espéré par les populations n’est pas flagrant, et que le rêve de l’adhésion à l’Union s’éloigne de plus en plus. Porteur d’immenses espoirs, il semble que l’EuroMaidan ne pouvait qu’amener de la déception.

Que reste-t-il, en Ukraine, de cette aspiration à se rapprocher de Bruxelles – dans la société mais aussi chez le pouvoir actuel ?

De Kiev à Minsk, que reste-t-il du rêve européen dans cet espace post-soviétique dans lequel Moscou continue d’exercer une grande influence ? Et comment l’Europe peut-elle accompagner cette marche vers la démocratie ?